«
Qu'ils sont beaux ! » « J'ai entendu dire que Terragon et Sif faisaient la fierté de leur père. » « Il y a de quoi ! Ils semblent tellement fiers. » « Ils font un peu peur, non ?" "Pourquoi vous dîtes cela ? » « Leurs expressions. On dirait qu'ils vous jaugent ou qu'ils sont sur le point de préparer un mauvais coup ... » Ils n'avaient pas tort ; les jumeaux Sterling, sous leurs airs angéliques, cachaient bien leur jeu. Aux yeux de tous, ce sont deux beaux jeunes gens, futurs héritiers d'une fortune durement gagnée par leurs aïeuls et qui ont déjà acquis leurs places dans la haute sphère. Invités dans toutes soirées de gala, Terragon et Sif sont au centre de tous les regards et de toutes les conversations. S'ils attirent tant d'intérêts de la part d'autrui, ils suscitent également une part d'inquiétude. Les jumeaux se mêlent peu à la foule, ils restent dans leur coin et observent les autres en se murmurant entre eux. Une attitude hautaine qui suscite des interrogations et une certaine crainte ; malgré leurs airs angéliques, on peut s'attendre à ce qu'ils préparent un mauvais coup et la malheureuse victime pourrait être l'un de vous. Un mauvais coup qui n'a rien à voir avec une mauvaise plaisanterie.
Un très mauvais coup. Leur aura inquiétante et leurs regards inquisiteurs veulent clairement dire quelque chose ; vous êtes un obstacle, vous êtes une gêne, ils ne tarderont pas à vous supprimer.
Premiers méfaits (16 ans) - 1986
Les heures de repas étaient les moments les plus redoutés pour Sif ; l'idée même de se mêler aux autres élèves de l'académie la rebutait. Partager un moment de "convivialité" ne lui plaisait pas, loin de là. Du coup, avec Terragon, elle s'arrangeait toujours pour manger ensemble, dans un coin, loin des autres qu'ils considéraient comme des mécréants. Mais ce jour-là, elle avait dû aller seule dans la Grande Salle ; Terragon avait été convoqué par les professeurs pour une stupide histoire de mésentente entre lui et un autre élève.
Quelle plaie ! S'il pouvait seulement faire de temps en temps profil bas. C'était plus fort que lui ; Terragon avait une telle estime de lui au point qu'il pouvait facilement s'énerver contre quiconque qui oserait le réprimander. Installée à une table, avec son iguane, Loki sur l'épaule, Sif patienta sagement l'arrivée de son jumeau. A la moindre demande d'autrui de prendre la place à côté d'elle, la jumelle lançait un regard noir qui ferait fuir l'imprudent. Après plusieurs minutes passées seule, Terragon arriva enfin ; l'air renfrogné de son frère indiqua à la jeune fille qu'il a passé un très mauvais moment.
« Qui t'a mis dans un tel état? » « Ces imbéciles qu'on appelle nos maîtres ou éducateurs. Bref, des incapables comme toujours ? » Typique de Terragon ; prendre les gens de haut, malgré son jeune âge. Même si le caractère de Sif se rapprochait de sa moitié, elle était tout de même plus humble que son jumeau. Mais elle ne disait rien, se contentant d'écouter la version de son frère.
« Tu ne sais pas le plus drôle dans l'histoire ; je suis le seul puni, et Yuri, ce fils de paysan, s'en est sorti indemne. » « Quel était le sujet de la discorde ? » « Il a insinué que ne pas suivre les pas laissés par son père fait de moi un mauvais homme. » Sif se tourna vers lui ; elle comprenait sa colère. Terragon était ambitieux, tout comme elle. Il veut entrer dans le gouvernement, faire de la politique, pas devenir un commerçant fortuné ; cette voie le désintéressait complètement. Certes, il ne méprisait pas l'apport de la vente de plantes médicinales, mais ce n'était pas assez pour lui ; Terragon a toujours vu les choses en grand. Un défaut pour leur père, une force pour la jumelle. Sif imaginait trop bien que ce genre de réflexion n'avait pas dû plaire à son jumeau. Ce mécréant ne s'en sortira pas ainsi.
Elle savait qu'elle le trouverait à dans la salle d'entraînement ; tout comme elle, Terragon est un perfectionniste. Il veut être le meilleur, donc il s'exerce plus durement pour être plus fort. Un sifflement pour attirer son attention et le frère interrompit son entraînement. Un sourire mesquin se dessina sur le visage de Sif ;
« J'ai fait en sorte que Yuri ne t'importune plus. » « T'as couché avec lui ? » enchaîna de suite son frère. Bien qu'il avait connaissance de son côté volage, Sif avait horreur qu'il le charrie à ce sujet. Elle roula des yeux mais reprit la parole ;
« Sois pas idiot. Je lui ai préparé une pâtisserie. » L'un des sourcils de Terragon forma un accent circonflexe ; la vision même de sa sœur cuisinant lui paraissait invraisemblable. Sif s'assit sur un banc, croisa les jambes et se tut histoire de faire durer le suspense avant de se décider de reprendre ;
« Dans cette pâtisserie, j'ai ajouté un petite ingrédient préparé par mes soins. Je pense qu'à cette heure-ci, Yuri est à l'infirmerie. » Yuri esquissa un léger sourire avant de blêmir.
« Tu n'as pas ... » Depuis un certain temps, Sif s'était lancée dans la confection de potions ; ses parents lui ayant appris à reconnaître les plantes médicinales des autres, à les préparer et à les transformer en remèdes ou en breuvages. Mais depuis assez récemment, Sif s'était mise à confectionner d'autres mélanges, soit inoffensifs, soit dangereuses. Ayant bien conscience que son frère pensait à cette possibilité, elle le rassura de suite sur un ton nonchalant ;
« Non, gros bêta, je ne l'ai pas empoisonné. J'ai fait seulement en sorte que cela lu provoque de maux de ventre assez violents. Il n'est pas près d'oublier son passage à l'infirmerie qu'il n'osera plus s'en prendre à toi. » Un regard malicieux se dessina dans le regard de la jeune fille. Sif a toujours été du côté de Terragon, qu'il soit en tort ou non ; eux deux, ils formaient un être. Ils étaient semblables et se comprenaient. Sif était toujours là pour assurer les arrières de son frère.
La mort de Bard Sterling (23ans) - 1993
La Grande guerre ; un véritable fléau pour toutes les nations. Provoqué à cause de deux nations bien trop ambitieuses, le feu et la terre, et à cause d'une économie bien trop instable dans la nation qui a vu naître Sif. C'est ainsi que la guerre fut amorcée ; les Sterling ont rapidement rejoint les Darsonval. C'était une évidence pour Bard, père de Terragon et de Sif ; il était un vieil ami du régent et financer et fournir l'armée de la nation en plantes médicinales ne le dérangeaient pas du tout. Bard, de son vivant, avait fait preuve d'une très loyauté envers la famille régente. Qualité qui n'a pas été transmise chez ses aînés.
Parti à la guerre, Bard emmena avec lui ses jumeaux ; Terragon le rejoignit sur le terrain tandis que Sif travaillait pour le service médical. Cela lui convenait ; à cette époque, elle avait commencé réellement à expérimenter ses concoctions sur les blessés ; sur certains, elle appliquait de nouveaux remèdes qui fonctionnaient presque immédiatement, sur d'autres de nouvelles drogues pour soulager et remplacer l'anesthésie et sur les individus jugés trop faibles pour Sif et inutiles pour l'effort de la guerre, elle leur fournissait du poison. Ainsi, on se débarrassait des indésirables sans qu'on soupçonne de quoique soit ; Sif n'avait aucune pitié pour les faibles. Ni aucun remords. Si elle devait confesser sur ses actes, elle dirait qu'elle aurait participé à l'effort de guerre. Atténuer ses actes était tout ce qu'elle savait faire. Dans le secteur médical, elle vivait sa vie et était coupée de toute communication avec le monde extérieur. Elle voyait rarement son père et son jumeau, souvent pris sur le terrain ou lors de réunion de stratégies. Et les rares fois où se retrouvaient les jumeaux, Terragon ne cessait de se plaindre du comportement de leur père.
« Ce vieux fou ne veut rien entendre ; je lui ai pourtant demandé ce conseiller à notre régent de mettre un terme à cette folie ! » « Pourquoi voudrais-tu que notre père pousse son cher ami à la stopper. » Pour une fois, Sif avait du mal à cerner son jumeau. Face à l'incompréhension de sa jumelle, Terragon s'emporta ;
« On fonce droit dans le mur pardi ! La nation du feu a l'eau de son côté, donc plus de guérisseurs tandis que nous on a que nos pauvres plantes ! Cela fait cinq ans que dure cette histoire ; si ça continue ainsi, l'économie de notre nation va être catastrophique. Déjà qu'elle n'était pas au beau fixe. Sif, on l'a déjà perdue cette guerre ... » Dépité, il se laissa choir, appuyant sa tête entre ses mains. Ayant l'habitude de le voir si fier, si confiant, c'était bien la première fois qu'elle voyait Terragon dans cet état. Et il n'avait pas tort ; cette guerre durait bien trop longtemps et la nation de la terre était coincée dans une issue. Alors qu'elle envisageait de ne pas briser ce silence mélancolique, une idée saugrenue lui traversa l'esprit ;
« 59 ans ... Père se fait vieux ; la sénilité ne lui donne pas les idées claires à mon avis. Ce serait bien pour lui qu'il prenne sa retraite maintenant ... » Terragon releva son visage et croisa le regard malicieux. Ce regard qu'il connaissait si bien, ce regard qui révélait qu'elle avait idée en tête, ou un tour à préparer ...
« T'ai-je raconté dans le détail mes petites activités mon cher frère ? » Dans l'ombre, Sif révéla tout à son frère, et un rictus mauvais se dessina sur le visage de Terragon.
« Votre Majesté ! C'est terrible ! » La nouvelle faisait le tour du camp : Bard Sterling a été retrouvé mort dans sa tente ce matin. Comme voulant le voir de ses propres yeux, Atticus Darsonval se rendit sur les lieux du drame. En entrant dans la tente, il vit son vieil ami, toujours installé dans sa couche ; il donnait l'impression qu'il dormait paisiblement, aucun trouble ne défigura son visage marqué par les affres du temps. Il aurait pu croire que Bard dormait s'il ne réalisait pas immédiatement qu'il se tenait face au cadavre de son ami. Sous le choc, il sortit de la tente pour s'échapper à une telle scène. D'instinct, il chercha du regard une personne. Deux personnes en vérité. Et les jumeaux firent leur entrée, adoptant une attitude complètement stoïque, inexpressive. Aucuns remords ne se remarquèrent dans leurs regards.
« Sois proche de tes amis, sois-le encore plus avec tes ennemis » (24 ans) - 1994-95
« Cette tenue était vraiment nécessaire ? » S'il y avait bien une chose que Terragon pourrait reprocher chez sa jumelle, c'était son goût de la mise en scène ; pour un quelconque évènement, Sif aimait se mettre en scène. Porter les belles tenues pour attirer l'œil ; c'était sa signature. Pour justifier cet accoutrement, elle répondra qu'il faut profiter des cadeaux généreux offerts par la nature et savoir les mettre en valeur. Avec la fortune qu'elle possède, elle peut s'autoriser à payer les plus grands couturiers pour lui confectionner des tenues sur mesure.
« Bien sûr, Terr'. Il s'agit du régent du feu tout de même. » Nos jumeaux se trouvaient effectivement dans la nation du feu. Ou plutôt, dans le campement ennemi. Tout se déroulait parfaitement ; Terragon et Sif davaint au préalable demandé à repartir chez eux, à Atrankar, pour régler quelques affaires familiales. Quelques mois après la mort de Bard, cette demande a été mise sur le compte d'un deuil qui n'a pas pu être achevé correctement, même si des rumeurs de parricides continuent de circuler - rapidement évincés afin de se préoccuper de questions bien plus importantes. On l'accepta, et on les laissa partir avec leurs soldats. Après qu'ils aient quitté leur campement, ils se sont rendus presque immédiatement dans le camp ennemi, pour une rencontre avec Rohan Bernstein. Une rencontre organisée. Fait assez surprenant ; ce sont les jumeaux qui ont demandé à rencontrer le régent de la nation du feu, le grand ennemi de leur nation. Leur requête a été acceptée et les préparatifs de cette rencontre se font fait dans la plus grande discrétion ; les jumeaux se faisaient escorter par leurs plus fidèles soldats et l'entrevue se faisait dans un lieu assez reculé du camp de la nation du feu. Les jumeaux ont été accueillis par les soldats du feu et escortés jusqu'à la tente du régent Bernstein qui les attendait. Ce dernier les toisa, les observant minutieusement, cherchant à comprendre leur démarche. Sif n'avait pas peur ; elle jubilait. Tout se déroulait parfaitement comme ils l'avaient tout deux envisagé.
Bernstein les invita à s'asseoir face à lui et les jumeaux obtempèrent ; Sif s'installa de manière la plus gracieuse possible. Avec sa robe vert émeraude étincelante, on avait l'impression qu'elle était invitée à une soirée de gala. Les bonnes manières exigeraient qu'elle se tienne droite face à une tête couronnée, mais elle s'installa de manière nonchalante et Terragon en fit de même.
« Que me vaut cette visite de deux enfants de la nation de la terre. » Lui, au moins il aillait directement dans le vif du sujet.
« Votre Majesté, je n'ai qu'une préoccupation ; mettre fin à cette guerre. » Terragon aussi ne perdait pas non plus de temps.
« Voilà six ans qu'elle dure, et les pertes ne cessent de s'accumuler de notre côté comme chez vous. Si l'un de nous ne l’arrête pas, je crains que tout Kandrakar ne courre à sa perte. » « Je ne vois pas le rapport avec ma nation. » « Oooh ... le recours de toute votre nation ou celle de l'eau n'est pas vraiment nécessaire dans le cas présent, mais votre ..."contribution" peut nous être utile. » Le régent fronça les sourcils ; il n'appréciait pas visiblement d'être traité de manière si familière, surtout par un jeune chef de famille vassale comme Terragon Sterling.
« J'ai parlé de "contribution" ? J'en suis navré, je voulais parler d'un service que nous pourrions, ma sœur et moi, vous apporter. » Le sourcil levé du régent signala qu'il prêtait finalement attention aux paroles de Terragon.
« Voyez-vous, nous pouvons vous faire gagner cette guerre ; nous sommes prêts à nous retourner contre notre propre régent. Nous avons ici quelques soldats prompts à accomplir le moindre de nos ordres. » « Qu'est-ce qui vous font penser qu'ils seront prêts à accomplir le "moindre de vos ordres" ? » D'un sourire mauvais, Terragon sortit de sa poche une pièce en or ;
« Parfois l'argent est la meilleure des motivations ... » « Nous sommes prêts à envoyer nos soldats attaquer leurs alliés et compagnons de guerre pour vous permettre de gagner cette guerre. Cependant nous attendons quelque chose de vous. » Cette fois-ci, c'était Sif qui parlait et le régent Bernstein porta enfin son attention sur elle.
« En échange de notre "petit" service, nous attendons à ce que votre famille apporte son soutien envers la nôtre. » C'était cela qu'ils avaient prévu ; demander au régent sa protection afin de pouvoir frapper impunément. Le régent regarda tour à tour les jumeaux, confronté à une offre plus qu'alléchante mais toutefois délicate à accepter.
« Supposons que j'accepte, je me demande cependant une chose ; pourquoi deux jeunes gens agissent contre leur propre nation. » Terragon ouvrit la bouche pour répondre mais il fut rapidement interrompu par Sif ;
« Nous n'agissons pas contre notre nation, mais plutôt pour notre nation. » Il avait une part de vérité derrière cette attention, mais il y avait également la quête d'un pouvoir que les jumeaux recherchaient depuis toujours qui subsiste dans leurs attentions les plus profondes.
« Comme mon frère l'a si bien dit ; cela fait six ans que cette guerre dure. Et notre régent se soucie plus de vous anéantir qu'au bien-être de sa nation. Il serait préférable qu'il reconnaisse qu'il n'est pas aussi puissant que vous ... » Cette dernière phrase flatta le régent du feu ; il faillait peu pour qu'il accepte leur proposition.
Leur plan paraissait compliqué, mais elle était d'une facilité déroutante. En un an, avec de l'aisance et une fortune à distribuer, les jumeaux Sterling ont organisé des milices grassement payées pour accomplir cette tâche ; s'attaquer aux villages alliés de la Terre, soit des villages de la nation de l'Air. Par cette attaque, l'Air se sentirait trahi par leur allié, la Terre, qui les avait enjoint à accompagner sur le champ de bataille. Une telle réaction pousserait Atticus Darsonval à mettre un terme à la guerre. Ils savaient pertinemment que leur geste n'aillait pas être passés inaperçus ; c'est pourquoi ils se sont adressés au régent Bernstein. Ils savaient qu'ils risquaient leur réputation et leur place dans la Nation de la Terre ; ils avaient besoin d'une sorte d'assurance pour conserver leurs places. Rien de mieux que de compter sur l'ennemi. Heureusement pour eux, leur requête a été acceptée ; elle ne pouvait pas être refusée puisqu'elle assurait la victoire à la nation du Feu. Depuis la fin de la guerre, ils sont haïs, méprisés et détestés pour leur trahison mais toujours acceptés ; l'ombre des Bernstein les protégeait. Leur présence dans la cour n'était cependant anodine ; les jumeaux devaient garder un œil sur la famille régente, au cas où elle oserait montrer les crocs face aux Bernstein. Une condition que les Sterling ont évidemment accepté. Par leur trahison, ils ont mis fin à une guerre de sept ans et sont méprisés et crains par un grand nombre ; c'était ce qu'ils s'attendaient et ne semblaient pas le moins du monde affligés par une telle réaction. Par leur trahison, ils ont pu entrer dans le gouvernement et obtenir des places qui leur donnèrent, à Terragon et à Sif, des pouvoirs.
L'indésirable (29 ans) - 2001
Depuis qu'ils sont entrés dans le gouvernement, ils ont adopté une nouvelle manière de vivre. Bien qu'ils aient conservé leur immense manoir familial dans la capitale d'Antrakar, le clan Sterling s'est installé à Aleria, là où se trouvait le gouvernement, dans la plus somptueuse demeure ; si Bard était plus discret sur ses économies, les jumeaux n'hésitaient pas à étaler leur fortune afin d'attirer l'attention sur eux. Depuis qu'ils sont arrivés dans la capitale de Kandrakar, tous les regards se convergèrent sur eux ; Terragon était devenu magistrat et envisageait de gravir les échelons. Quant à Sif, elle faisait prospérer l'affaire familial et était également au pouvoir, en étant membre du syndicat des marchands. Aux y eux de tous, c'étaient des arrivistes. Eux pensaient naturellement qu'ils avaient mérité ces places.
Le clan de Sterling ne se composait essentiellement d'une branche et Terragon et Sif en étaient les aînés. Bien qu'il leur reste encore leur mère, ce sont eux qui dirigent la famille depuis la mort de l'ancien patriarche - enfin, disons plutôt que c'était Terragon qui supervisait la vie du clan mais Sif n'était jamais loin de son jumeau lorsqu'il prenait des décisions, se rapprochant de près ou de loin à sa famille - et cette dernière n'est devenue qu'une simple habitante, impuissante face à la folie ambitieuse de ses jumeaux. Outre les jumeaux et Dame Sterling, on comptait également trois autres enfants dans cette famille, trois jeunes enfants épargnés et protégés des affres de la guerre et à la merci de leurs aînés. Jamais les jumeaux n'ont accordé le moindre crédit à leurs cadets, mais étonnamment, depuis qu'ils ont eu des positions favorables, ils se sont montrés bienveillants. Par "bienveillants, on entend bien sûr que Terragon et Sif leur ont également offert des postes bien placés. A leur première jeune sœur, qui avait la fibre médicinale, ils lui ont ouvert la porte du département de la santé du gouvernement, au départ comme stagiaire pour rapidement devenir soigneuse et également herbologue dans le service du patrimoine. Quant au jeune frère, Terragon s'est arrangé pour qu'il entre dans la Ligue, histoire de garder la main sur le plus naïf des Sterling. Quant à la benjamine de la famille, Terragon et Sif se sont peu préoccupés, préférant lui laissant le libre-arbitre. C'était une erreur qu'ils ont bien failli regretter s'ils n'étaient pas intervenus ...
« Je n'arrive pas à le croire que tu aies pu agir ... ainsi ! » Terragon bouillonnait de colère et la tension était palpable. Prosperine, leur benjamine, celle que les jumeaux ont jugé trop douce et trop innocente pour se rebeller contre eux, avait fait une tentative de fugue. Prosperine avait tenté de s'enfuir de leur domaine d'Aleria, mais elle avait été rapidement interceptée par l'un des soldats travaillant pour les jumeaux. Sa tentative de fugue a été rapportée et une séance close entre les aînés et la benjamine s'était rapidement tenue ; il faillait régler cette histoire au plus vite et éviter un nouvel affront aux jumeaux.
« Et puis, pourquoi tu as tenté de fuguer ? HEIN ? POURQUOI ? » Terragon avait ce côté mélodramatique et sanguin que n'avait pas Sif ; elle, elle était plus calme et se contentait de rester sur le côté, observant en silence la scène. Elle nota cependant l'inutilité d'une telle réaction de la part de son frère.
« Je sais tout. Je sais que vous avez tué Père. » Les jumeaux haussèrent en même temps un sourcil. Ce n'était pas de l'inquiétude ou de la peur qui se manifestait, mais plutôt l'étonnement. Un étonnement amusé pour tout dire. Ils ne se savaient pas en danger ; il n'y avait pas de preuves tangibles sur un quelconque parricide dont on ne cesse encore d'en parler. Ils devaient bien se douter que Prosperine avait entendu ces bruits de couloirs et s'en était persuadée de la véracité. Terragon ne put s'empêcher de lâcher un rire moqueur ;
« C'était pour ça que tu prévoyais de nous quitter ? Pour une stupide vieille rumeur ? » « Tout ne tourne pas autour de vous dans ce monde. » railla l'insolente
« J'avais prévu également de rejoindre la Rébellion. » Autre haussement de sourcil. Celui-ci était plus sincère ; les jumeaux ne s'attendaient pas à une telle réponse. De plus, s’agit-il de cette même rébellion menée par la nation de l'Air et rapidement matée il y a quelques années ? Ne voulant pas se laisser dérouter aussi facilement, Terragon enchaîna ;
« Joindre une rébellion ? C'est une nouvelle tendance chez les jeunes ou quoi ? » La jeune Prosperine leva les yeux en l'air et soupira, exaspérée.
« Il ne s'agit d'une lubie de jeunes comme tu le penses si bien. Il y a vraiment une rébellion que se prépare pour lutter contre ce gouvernement pourri. » Ce fut au tour de Sif de ricaner ; elle n'avait jamais entendu autant de bêtises en si peu de mots. Cela l'amusait. Et elle savait par où frapper pour faire taire l'insolence de leur jeune sœur. Alors, Sif s'approcha de Prosperine, la dominant par sa taille et le port majestueux de sa tête ;
« Tu te crois maligne, c'est ça ? S'il y avait vraiment une quelconque rébellion, - supposons tout simplement qu'il y en ait une -, tu penses vraiment que tu seras accueillie à bras ouverts ? N’oublie pas qui tu es une Sterling, bien que tu sois différente de tous tes frères et sœurs. » Terragon l'observait en silence ; Sif était d'un calme déconcertant. C'est ce qui faisait trembler Prosperine.
« Que tu le veuilles ou non, tu es liée à nous. Certes, nous avons une sale réputation qui nous poursuit. Mais elle te poursuit également ma chère sœur. » « M-mais ... mais je n'ai rien fait, moi ... » « Tu crois qu'ils s'en préoccupent que tu aies fait quelque chose ou non ? Où que tu ailles, tu ne seras pas accueillie comme une amie mais plutôt comme une ennemie. C'est ainsi, qu'est-ce que t'y peux ? » Prosperine baissa la tête et des larmes commencèrent à couler sur son visage délicat. Sif jeta un bref coup d'œil à son jumeau qui lui fit un sourire satisfait. L'aînée fit relever le visage de sa benjamine larmoyante et adopta un ton faussement réconfortant ;
« Voyons, ne te mets pas dans ces états ... Il faillait nous dire que tu t'ennuyais ! Si tu veux, on peut trouver une nouvelle occupation. Que dis-tu de ... m'aider avec Sterling's leaves ? Tu es bien trop jeune pour être co-gérante mais tu pourrais te rendre utile à la boutique et me donner un coup de pouce ! Qu'en dis-tu Terragon ? » L'intéressé haussa les épaules en abordant un grand sourire ; cela lui importait mais l'arrangeait d'un côté.
« Mais peux-tu nous promettre que tu ne recommenceras plus une telle folie ? » Prosperine hocha la tête, comme résignée.
Les jumeaux (30 ans) - 2002
Sif aperçut enfin Terragon après avoir parcouru de fond en comble leur immense demeure. Il était sur la terrasse de sa chambre, observant le paysage urbain d'Aleria s'étendre sous ses yeux. Elle le rejoint et se plaça à côté de lui, patientant qu'il daigne lui parler.
« Tu as entendu la dernière nouvelle ? » « Oui. Finalement ce vieux phénix a fini par éteindre sa flamme. » Terragon ne réagit pas ; il était préoccupé. Elle le sentait.
« Si tu crois que les Bernstein vont nous abandonner, n'en sois pas si sûr. » « Comment tu peux l'être ? » « N'oublie pas qu'on a promis à la famille de surveiller les Darsonval pour eux ; on leur est trop utile. C'est un peu pour ça qu'on est toujours là. » Un nouveau silence s'installa. Sif était pensive ; elle savait qu'une nouvelle page d'histoire aillait s'ouvrir pour Kandrakar et ils aillaient en être les acteurs.
« En parlant des Darsonval, je sens que Daella est un peu trop ... nerveuse. » « Qu'est-ce qui te fait dire ça ? » « Tu n'as pas remarqué qu'elle évite d'être seule avec nous deux ensemble ou l'un de nous. La semaine dernière, j'ai bien failli ne pas entrer dans le palais royal ; cette garce avait défendu qu'on y accède. Un jour, on ne sera pas invités aux soirées de gala données par la famille régente. » C'était le cas ; Sif sentait que Daella était de plus en plus sur ses gardes. Et c'était la même chose pour les autres membres de la famille régente. A leurs yeux, elle montre que leur comportement ne les affecte pas, mais au fond, elle craignait de perdre pied et de perdre l'influence qu'elle avait sur les autres.
« Tu as entendu la dernière rumeur de la cour ? » Sif se tourna vers son frère ; il était rare qu'il ait un comportement de commère. Ce genre d'enfantillages, comme il aime si bien appeler, l'ennuyait au plus haut point. Mais ce genre de comportement était bien inhabituel venant de lui.
« Il paraît que nous couchons ensemble. » Un rire éclata chez les jumeaux. Réaction étrange, voire dérangeante, vis-à-vis d'un tel commérage. Mais ceci démontrait bien une chose ; les jumeaux étaient bien au-dessus de tout ça. De toute manière, ils se croyaient supérieurs à tout.
Un nouveau silence s'installa et les jumeaux observèrent ensemble le paysage. A l'horizon, le soleil se coucha derrière les maisons et laissa derrière lui un ciel orangé voire rouge.
« Tu crois que je serais un bien meilleur régent que cette Darsonval ? » demanda soudain le jumeau. Sa jumelle se tourna de nouveau vers lui et posa une main maternelle sur son bras, l'enjoignant à la regarder et adopta une voix douce.
« Même si de nombreuses personnes pensent que tes actes sont néfastes, tu l'as fait pour ta nation. Tu l'as prouvé maintes fois ; grâce à toi, nous avons mis fin à une guerre déjà perdue d'avance. Ces gens sont fous de ne pas t'être redevables. » Terragon sourit. Mais pas d'un sourire mauvais comme il était habitué à faire. Il souriait sincèrement ; seule sa sœur savait lui parler et approuvait ses actes, ainsi que son ambition.
« Alors oui ; je suis convaincue que tu ferais un bien meilleur régent que tous les Darsonval réunis. Et puis, quand tu arriveras à la tête de la nation, tu as intérêt à me donner une bonne place au gouvernement. » Finit-elle en lui donnant une tape sur l'épaule, comme s'il s'agissait d'une plaisanterie. Malgré cela, elle était on ne peut plus sérieuse. Elle souhaitait vraiment être à ses côtés lorsque Terragon sera devenu le nouveau régent.