Le gamin trébucha sur une pile de livres posée à ses pieds tombant tête la première dans le tapis prestigieux qui appartenait aux Bernstein depuis la nuit des temps. Il était perdu, Murtagh était perdu, il passait ses journées à lire, à s'interroger sur les aléas de la vie ainsi que sur ce qui était bien et mal. L'enfant semblait ne pas réellement comprendre ce qui discernait des actes bons, gentils à des actes mauvais, pathétiques et méchants. La valeur du noir ou du blanc ne s'ancrait pas dans sa tête, bien au contraire, elle se dissipait, alors qu'il était jeune, trop jeune pour pouvoir y songer. Il se leva difficilement, d'un physique frêle et d'une santé branlante, Murtagh n'avait jamais atteint les hauts objectifs que son père lui avaient préparé, la couronne qui frôlait sa tête ne lui convenait pas. Le petit garçon était perdu, à quoi servait-il ? Obtenir les regards furibonds de son père lorsqu'il n'agissait pas comme un roi, se laisser cajoler par sa mère sous les yeux répugnés du patriarche, ou encore se faire persécuter par son frère ou ses cousins ? Murtagh était faible, il l'était depuis toujours, le physique ne comptait pas pour rien, le mental était lui aussi blessé et gâché. Parce que selon Rohan, son propre fils était du gâchis. Une chose fragile qu'il écrasait du bout de ses doigts. Pourtant Murtagh aimait son père, il l'admirait, le fait de lui faire du mal, l'encourageait à vouloir devenir comme lui, un grand régent, un régent fort, aimé par ses pairs, son peuple, sa femme et ses enfants. Le petit garçon s'avança dans la longue allée qui menait aux jardins avant d'entendre sa mère entrer dans le grand manoir. Murtagh devait supposément être avec son père, mais celui-ci l'avait chassé après que le garçon n'avait renversé une pile de feuilles sur son bureau. Le gamin s'avança vers les appartements de sa mère un grand sourire aux lèvres, Astoria semblait pouvoir le comprendre, ce garçon déchu, ce petit garçon perdu, la pression ne faisait pas peur à Murtagh au contraire, mais c'était ces attentes qu'ils n'exhausseraient jamais. Il entrouvrit la porte de la chambre de la matriarche pour la voir avec un homme. Il était grand, fin, attirant peut-être pour les yeux d'une femme, fort et puissant, le gamin ne le reconnaissait pas. C'est seulement quand celui-ci se mit à embrasser sa mère que le garçon rougit. Il ferma la porte discrètement avant d'aller courir jusqu'à sa chambre. Il venait de voir une scène qui ne s'effacerait jamais. Malheureusement. Soudain, comme si son monde venait de changer, il avait envie de la détester, cette femme, cette mère, cette traitresse, il avait envie de la tuer, elle avait trahi son mari, le père du garçon. Et jamais, oh grand jamais ne pouvait-on trahir Rohan Bernstein. Ou peut-être que si, il goutterait lui-même au désir suprême de le tuer. Jusqu'à ce qu'il ne le fasse.

ii. moment sadique dans sa vie, as usually koua.
iii. Discussion avec sa mère + évocation de son caca de cousin.
iv. Empoisonnement papa + amuuuuur dae

Murtagh regardait par la fenêtre faisant mine d'être pensif. Une aura électrifiante se faisant ressentir dans la salle, un onde électrique, presque meurtrière s'émancipait dans la chambre de son père mourant et tout ce que Murtagh trouvait à faire, était de sourire. Il n'avait jamais autant souri de sa vie, une joie immense s'était épris de son coeur à l'aube, lorsqu'on lui avait annoncé que son père souhaitait le voir une dernière fois avant qu'il ne s'éteigne. Qu'il brûle, pensa-t-il. Il se tourna vers le grand lit que son père occupait, la place de sa mère étant vide depuis quelques semaines déjà. Il agonisait, qu'est-ce que Rohan Bernstein, l'incroyable avait pu souffrir ces derniers jours. Le poison l'avait bouffé de l'intérieur éteignant un à un tous les organes qui lui était vitaux. Et Murtagh avait joui de plaisir face à ce spectacle. Tant qu'il se délectait du fait qu'il mentait encore et encore sur sa vraie nature, il jouait au fils triste, tantôt déprimé, tantôt courageux, il faisait face à cette "tragédie" avec bravoure et sincérité. Il en riait, il en riait le bouffon mais c'était la seule chose qu'il arrivait à faire. Rire de ses propres horreurs. "Viens-là fils, ce sont mes dernières minutes, nous devons parler de ton futur." Murtagh croisa les yeux de son père, ils étaient froids, aucun amour, aucune once de fierté, Rohan était neutre, son fils le serait tout autant lorsqu'il lui avouerait la vérité. Il s'avança vers son chevet et se mit à genoux, comme le fils respectueux qu'il avait toujours été. Il jouait la comédie depuis plus que cinq ans, depuis plus cinq ans il se regardait inlassablement dans le miroir tout en y voyant deux personnes complètement différentes. D'une part un homme qui aurait autrefois pu être respectable, et de l'autre côté un homme décharnè, dans aucune valeur, sans aucune morale. Il avait opté pour la seconde option, il avait toujours été meilleur dans le mensonge et l'horreur. "Père, je suis fin prêt à prendre mon rôle au sérieux. Je suis prêt à être régent." Rohan leva les yeux et sourit froidement, à croire qu'il ne savait qu'être glacial. Il tenta de pouffer de rire, mais il s'étouffa immédiatement crachant par la même occasion du sang. Lentement Murtagh se tourna vers la table de nuit pour y attraper un mouchoir. Il regarda son père pendant quelques secondes avant de lui dire. "Vous savez ce que vous m'avez appris père?" Le patriarche hocha de la tête négativement avant de lever le bras vers le mouchoir pour que son fils le lui tende. "Vous m'avez appris qu'il vaut toujours mieux connaître ses ennemis plutôt que ses amis." Murtagh fit mine de réfléchir tout en ôtant le mouchoir de la vue de son père. Qu'il crève dans son propre sang, pensa-t-il. Son père tenta de lever sa tête, mais il ne put rien faire, il resta stoïque, presque paralysée dans son propre vomi, son propre sang, ses propres matières fécales. Il n'était plus rien, et Murtagh était grand, il était devenu puissant et dans quelques heures il porterait la couronne qu'il avait tant désiré. "Tu as bien appris." Il toussa tout en marquant une pause. "Maintenant donne moi ce mouchoir." Murtagh recula et s'appuya contre le mur, une grande tapisserie ornait la pierre, elle représentait un dragon et le premier Bernstein, son premier ancêtre. Murtagh rêvait d'avoir un dragon, ainsi il pourrait pleinement assouvir son pouvoir. "Non, voyez-vous père, j'ai aussi appris à ne pas obéir à de la vermine ou la sous-race, ainsi que de vieilles personnes qui ont clairement perdu la tête." Il tourna son regard vers les iris de son père et l'observa pendant quelques secondes avec un sourire malicieux en coin. Il tendit le mouchoir à son père et le lui donna. Celui-ci tremblant s'essuya la bouche et posa sa tête contre son oreiller un sourire en biais sur les lèvres. "C'était donc toi et non pas ta mère." Murtagh s'éloigna du lit du patriarche avant de faire les cents pas dans la chambre. Son visage paraissait si angélique, si doux, il n'en était en rien, son esprit était une guerre sanglante, il n'y avait ni bon, ni mauvais, il y avait juste un objectif, celui de devenir régent, d'obtenir enfin tous ces regards qu'il méritait tant, l'attention qu'il n'avait jamais eu. On le sous-estimait bien trop, Murtagh sortait enfin de son cocon, et celui-ci était cinglant et fracassant. "Je n'ai pas pris longtemps à élaborer mon plan père. Je suis ravie de voir qu'il a fonctionné sans même que vous ne bronchiez." Il marqua une légère pause. "On aurait cru que vous alliez vous battre, pourtant vous vous êtes pliés à moi. Ca me délecte." Rohan leva les yeux et toussa une dernière fois dans son mouchoir, il n'arriva pas même à lever la main. Il resta droit, passif et indifférent. "Tu es ce que je t'ai élevé à être. Un monstre. La gentillesse ne mène à rien dans ce monde, la méchanceté en revanche accroit nos chances de victoire." Il lança un dernier regard furibond à son fils. "Tu es pourtant et seras toujours une déception à mes yeux." Puis dans un dernier souffle, épuisé et fatigué il ferma les yeux. Son torse arrêta de se lever, sa respiration se coupa et il fût mort. Rohan Bernstein était mort. Murtagh tourna les talons et cracha au sol. "Je suis pourtant celui vivant." Et il sortit, se força une larme, avant de se jeter dans les bras de Lycoris. Son père était mort. Enfin.